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Article: Du petit rêveur marin breton au fou de la Diagonale // Partie 5 //.

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illustration : Flowhynot

Samedi mai 2019, je suis en route vers l’Abbaye de Bon Repos. C’est sur le lieu que le lendemain je partirai pour 63 kilomètres autour du lac de Guerledan.

Au fur et à mesure que je m’approche de la destination, je sens un parfum plus particulier que d’accoutumé.

Tout d’abord je remarque que le paysage est vallonné. Très vallonné. Je commence à croire l’article, lu quelques jours auparavant, faisant état d’une ‘course de montagne en Bretagne’.

La fête du trail breton.

Mon arrivée aux environs des parkings intronisés dans les champs environnants ne trahit pas mes premières impressions. Oui je vais me présenter sur un événement spécial.

La foule est venue en nombre assister à cette grande fête de trail running. Tellement que je dois me garer le long de la route, à une petite dizaine de minutes de marche du village de départ.

À force que je me rapproche, une ambiance spéciale me saisie et l’adrénaline monte en moi. Je ne sais comment l’expliquer et pourquoi. Et pourtant je ne cours que le lendemain.

J’y suis enfin et je reste assez pantois, moi qui suis encore novice. Des attractions pour les enfants. Des tribunes autour de la ligne d’arrivée. Un village regroupant des entreprises locales ainsi que de grands acteurs du monde du sport Outdoor. Un speaker qui anime et organise tout ce petit monde.

Je sens que j’ai changé de braquet par rapport aux événements précédents qui me semblaient déjà très aboutis. Mais là je perçois une autre atmosphère. Peut-être celle de la compétition de haut niveau qu’on m’a promis. Je ne sais pas.

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Pendant que je profite de mon après midi, avant de m’élancer quelques heures plus tard, j’assiste au 26km. Une course qui sert aussi de match interceltique mettant aux prises la Bretagne, le Pays de Galles, l’Irlande et le Portugal.

Pour la petite histoire c’est le gallois Samuel Rob qui remportera l’épreuve. Et au fur et à mesure que je vois les athlètes arriver, leurs visages m’indiquent que ces sentiers doivent être tout sauf évidents.

Allez, il est l’heure de rejoindre la petite chambre que j’ai loué pour ne pas faire la route le lendemain matin. Avant je récupère mon dossard et passe sur le stand de François D’Haene pour lui acheter quelques bouteilles de vin (il faut bien se faire plaisir). En revenant à mon véhicule je croise du regard Christophe Malarde fondateur et coach de Fartleck, ma future structure d’entraînement. Mais à cette période j’étais très loin de l’imaginer. J’aperçois également les coureurs du Plancoët Arguenon Running. Ils sont en nombre. Je les avais déjà rencontré lors de mon égarement au Trail de Lancieux. Le début de belles rencontres et de beaux liens d’amitié. Et un club que je rejoindrai en 2020.

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photo : Trail de Guerledan

Le plongeon dans la grande inconnue.

Dimanche matin 4h, je me lève discrètement pour ne pas réveiller mes hôtes. 3 heures avant le départ de la course. Une habitude que j’ai prise pour déjeuner tranquillement, me mettre tranquillement dans ma bulle et me laisser le temps de digérer. La nutrition est un élément important de la performance. J’essaie de ne rien négliger de ce point de vue là. Beaucoup d’abandons sur la longue distance résultent de ce facteur.

Mon gruau d’avoine arrosé de granola maison accompagné d’un banane et mon smoothie avalés je prend mon sac et me met en chemin. Sur la pas de la porte je croise l’autre coureur qui dormait également dans une des chambres de la charmante maison de campagne. Nous échangeons quelques mots et j’y vais. Entre excitation et appréhension.

Comme la veille j’arrive aux alentours de cette abbaye qui semble chargée d’histoires. À ce jour je ne me suis pas encore documenté à ce propos. Les places sont moins chères que la veille et je vois beaucoup de coureurs se réveiller tranquillement dans les caravanes ou tentes qui leur ont servi de chambres d’hôtel dans la douceur nocturne de Saint-Gelven.

Je me dirige vers la ligne de départ et croise pas mal de visages connus. Ceux que j’ai déjà vu et que je sais avoir fini aux avant postes lors des épreuves précédentes. Tous semblent concentrés. Peut-être un brin supplémentaire que les fois précédentes.

7h arrive tranquillement. L’atmosphère se charge de tension. Je me place pas trop loin de la ‘pole position’ mais me retrouve très vite rétrogradé 10 à 20 mètres plus loin lorsque le dernier afflux de coureurs arrive. Encore une chose que j’apprend. Ne jamais se positionner trop tôt.

Le speaker lance le compte à rebours.

Ça y’est le championnat du monde de Bretagne est parti ! 1200 fous s’élancent dans l’arène. Mais je ne sais absolument rien des surprises qu’elle va me réserver.

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photo : Nicolas Desriac

Une première partie piégeuse.

Par chance, mon ami François Pellan, ultra trailer depuis une dizaine d’années et finisher 7 fois de cette épreuve m’avait donné quelques indices.

‘On peut diviser le parcours en 3. La première partie est assez technique et difficile. Ensuite c’est plutôt simple durant 20km. Mais c’est le piège. Il ne faut pas s’enflammer afin de gérer la fin qui est une autre paire de manches‘. Il devait sans doute évoquer entre autres le bois du Fao dont je n’arrêtais pas d’entendre parler la veille.

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Les premières foulées à peine effectuées nous montons une première belle bosse. Le décor est planté.

Une seule phrase résonne en moi ‘gère ton effort’.

Je me sens bien, je reste dans le peloton et me laisse emmener sur cette première partie.

Sincèrement, 1 an après (sans le COVID 19 j’aurai dû honorer ma 2ème participation) je ne me souviens pas avoir connu trop de difficultés jusqu’au 30ème kilomètre, point final de cette première partie ‘piégeuse‘.

Certes du dénivelé. Certes de belles descentes ou j’ai pu apprécier mes progrès. Mais surtout de superbes paysages. De superbes points de vue sur le lac. Une ambiance très chaleureuse avec une foule venue nombreuse. Et les encouragement des membres du Plancoët Arguenon Running qui ont couru la veille et qui sont venus soutenir leurs vaillants collègues qui ont eu, tout comme moi, la folie de s’inscrire sur le format 63km.

La balade au bord de l’eau.

J’aborde donc cette 2ème partie qualifiée de plus ‘simple’ avec confiance.

Effectivement elle se montre un peu plus roulante. Mes jambes adorent engloutir les hectomètres de single qui défilent le long du lac. Je suis en forme. Je prend du plaisir. Certes pour le moment c’est le parcours le plus dur que j’ai effectué, mais j’aime l’affronter.

Je remonte pas mal de coureurs. Je n’ai pas une idée précise de ma position. Mais ça n’est pas grave. Je pense que je suis dans les 50. Le fameux exploit que l’on me prédisait irréalisable. Je continue, me permettant même d’accélérer un peu. Il se passera ce qu’il se passera aux abords de la dernière partie.

Cette forme m’accompagne durant une dizaine de kilomètres. De premières chutes arrivent. Les prémices d’une fatigue naissante et d’un manque de lucidité qui s’accroît.

Effectivement vers le 40-45ème kilomètre je commence à ressentir un coup de mou.

Mais clairement je ne m’affole pas. Ça n’est pas le mur du Glazig. Je me dis surtout que c’est normal. Sur les courses précédentes il me restait une dizaine de kilomètres à effectuer à ce moment précis. Et souvent je commençais à ressentir de la difficulté. Je manque encore de volume. De plus le dénivelé supérieur de cette course me provoque plus de fatigue musculaire qu’à l’habitude. Il faut maintenant que je gère. Même si il reste environ ‘25 bornes’. Un peu plus d’un semi marathon. Avec le dénivelé en plus. Ça fait un moment que je cours seul, mais un trailer va bientôt me rejoindre aux abords de cette terrible dernière partie annoncée.

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photo : Trail de Guerledan

Un finish ascensionnel.

Ce coureur c’est Christophe Le Fèvre, ancien footballeur au Stade Briochin et ultra trailer expérimenté du team Berci. À cet instant je ne le connais pas encore, mais tout de suite nous échangeons quelques mots. C’est aussi ça la magie que j’apprécie dans ce sport. Cette pratique individuelle mais tellement vecteur de lien social et belles rencontres.

C’est la première fois que tu le fais ?

Oui’

J’espère qu’il t’en reste un peu car la dernière partie est assez corsée.

Même si ça devient dur, on m’a prévenu‘

Bon vraiment cette portion finale s’annonce dantesque.

Pendant la dizaine de kilomètres que nous ferons ensemble avant qu’il me lâche, il m’explique qu’elle est composée de crêtes est exposées, ce qui ajoute de la difficulté. Mais aussi que lorsque nous traversons Bois du Fao il faut être fort mentalement, car dans nos temps de passage, on entend souvent le speaker annoncer l’arrivée du premier, alors qu’il nous restera un heure à tirer. Ça ne sera pas le cas cette année, je n’ai pas entendu l’annonce de l’arrivée d’Alexandre Mayer, 50 minutes avant la mienne. Blague à part, peut-être les 10 minutes qui ont fait la différence 😉

Bref il me reste maintenant environ une heure donc, et je dis à un bénévole que j’ai l’impression que ça monte tout le temps.

Et bien ça n’est pas fini, il reste les crêtes’ me répond-il. Les fameuses.

J’y arrive tranquillement. Les crampes commencent à s’intensifier à chaque fois que je ralenti. Mes pieds me font souffrir et tapent durement sur les sol à chaque foulées. Mes chaussures ne sont sans doute pas adaptées pour cette distance. Je n’étais pas très calé encore à l’époque. Comme sur beaucoup d’autres choses d’ailleurs.

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Clairement j’aurai passé 80% du temps à marcher durant cette dernière montée. La fatigue musculaire étant trop présente. Je pense qu’il ne devait plus rester beaucoup de fibres dans mes cuisses et mollets à cet instant. Enfin arrivé au sommet il reste maintenant une dernière descente, où j’ai l’impression de perdre un ongle à chaque pas, et faire le tour du village de l’évènement.

Ce dernier effort d’environ un kilomètre se déroulera au travers d’une belle densité de spectateurs qui ne sera pas avare en encouragements. Le prénom sur mon dossard aidant à mon identification.

Dernier virage. Dernière ligne droite. J’aperçois la ligne d’arrivée. Je ne connais toujours pas ma position jusqu’à ce que j’entende ‘Tu le tiens ton top 20! Il est là !‘.

Quel kiffe ! Un top 20 ! 19ème exactement. Un exploit me dira-t-on à l’arrivée, d’autant que c’était ma première participation.

Je suis littéralement vidé, mais je ne regrette finalement pas de m’être présenté au championnat du monde de Bretagne. Oui on est quand même un peu chauvin dans notre belle région au drapeau hermine !
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